Évènement, Commons, Femmes, GLAM, Histoire des femmes, LGBTIQ, Non classé, wikidata, Wikipedia

GLAM on Tour Montreux : magie du Jazz

Nous avons été plusieurs à participer au GLAM on Tour Montreux du 24 au 27 novembre 2022 organisé par Wikimédia CH, avec la collaboration du Cultural Heritage & Innovation Center (CHC) de l’EPFL et la fondation Claude Nobs. L’objectif du week-end était de découvrir les archives du Montreux Jazz Festival digital project, piloté par la fondation Claude Nobs et le CHC à partir des archives personnelles collectées par Claude Nobs, fondateur du festival, pendant plus de 50 ans.

Sculpture dans la jardin du chalet de Claude Nobs à Caux. Source : Commons, CC-BY-SA 4.0 par
Rudolf H. Boettcher

Coté LSP, le but était sûr de réfléchir à la place des artistes féminines au sein du festival, avec pleins de questions concernant le coté queer du fondateur., et sur la place des artistes afro-descendant·e·s dans le festival, qui puise dans la culture du jazz, de la soul et du rock, suite à un questionnement de Noircir Wikipédia, qui a participé également au week-end.

Un moment fort du week-end : la jam session des musiques d’automnes où nous avons découvert des artistes talentueuses et eu la surprise de voir Ivonne Gonzalez débarquer sur la scène !

C’est quoi un GLAM ?

Un GLAM dans le jargon du mouvement Wikimédia (avec un « m » à ne pas confondre avec Wikipédia l’encyclopédie en ligne qui s’écrit avec un « p ») est l’acronyme de Galleries Libraries Archives Museums : ce sont des institutions qui nous intéressent tout particulièrement pour des collaborations car ce sont là que l’on trouve les sources et les médias qui nous servent à contribuer sur des sujets précis.

Photo de groupe GLAM on Tour Montreux. Source : Commons CC-BY -SA de Bobo11

Le GLAM on Tour est un projet récurrent multilingue du chapitre suisse qui négocie le temps d’un week-end l’accès à des institutions détentrices d’archives dans une localité différente chaque année. Des personnes contribuant aux projets francophones, italophones et germanophones se réunissent alors pour extirper la substantifique moëlle des archives pour la rendre accessible au grand public et enrichir la connaissance libre. C’est l’occasion aussi de former des novices à la contribution.

Sandra Becker, chargée GLAM à Wikimédia CH formant deux novices à la contribution sur Wikipédia. Source : Commons CC-BY-SA 4.0 par Rudolf H. Boettcher

Les sans pagEs ont souvent participé aux GLAM on Tour de Wikimedia CH en y apportant une dimension de réflexion sur le genre, la diversité et la place des femmes.

En 2017 à Fribourg par exemple, des biographies de femmes religieuses au Moyen-Âge ont été produites durant l’évènement consacré à la contre réforme menée depuis Fribourg. En 2019 nous avions participé à l’évènement à la Fonoteca à Lugano. En 2018, suite au GLAM on Tour au MAMCO à Genève, les sans pagEs ont en collaboration avec Wikimedia CH organisé des wikimercredis mensuels pour faire des biographies de femmes artistes contemporaines pendant un an. Ces évènements génèrent donc un impact sur les projets en terme de contenus en ouvrant les portes d’institutions culturelles.

Un GLAM on Tour c’est aussi l’occasion de moments conviviaux avec les personnes qui contribuent en plusieurs langues. Cette année nous avions la chance d’avoir avec nous Adoscam des sans pagEs Bénin, ainsi que des personnes venues de Berlin, de Zürich et de Suisse !

Petit déjeuner convivial avec l’équipe des contributeurices ! Source Commons, CC-BY-SA 4.0 de Natacha LSP

Je vais revenir pour vous sur deux sujets explorés qui m’ont particulièrement intéressés durant ce week-end à Montreux à farfouiller dans l’histoire du Festival de Jazz et de son truculent fondateur, Claude Nobs.

Les chalet de Claude Nobs

Source : Commons CC-BY-SA 4.0 de Kerstin Sonnekalb (WMCH)

Nous avons visité les deux chalets de Claude Nobs et leurs univers époustouflants. Claude Nobs était un collectionneur passionné : lampes, trains électriques, moto, instruments de musique, kimono et piano de Freddy Mercury, un habitué de la riviera lémanique. Ces lieux ne sont pas accessibles au public, ils sont gérés par la fondation Claude Nobs, mais on a pu photographier et poster sur commons pour partager avec vous les trésors aperçus.

Source : Commons CC BY SA 4.0 de Rudolf H. Boettcher

55 ans d’archives vidéo des concerts

L’archive de enregistrements sonores récoltés par Claude Nobs durant sa vie a été inscrite au registre Mémoires du Monde de l’UNESCO en 2013. Dès le début du festival Claude Nobs fait enregistrer les concerts en audio, et les enregistrements vidéo débutent dès la deuxième année. Les premières bobines contiennent sans doute les premiers enregistrements sons et vidéos de qualité de concerts du festival : elles pesaient chacune 15 kg avant que les technologies se développent.

Claude Nobs a fait de Montreux un lieu convivial pour les artistes, propice à la création, où leur était donné carte blanche sur scène, et la possibilité de faire de la musique dans un environnement calme et convivial. Pour en savoir plus sur la vision de Claude Nobs il y a ce magnifique documentaire en accès libre They all came OUT to Montreux (mais il faut faire un compte avant).

Adoscam du groupe des sans pagES Bénin photographiant les archives sonores de Claude Nobs. Source : Commons CC BY SA de Kerstin Sonnekalb (WMCH)

Racines queers ? Freddy, Bowie et Nobs

Thierry Amsallem, président de la Fondation Claude Nobs, et ancien compagnon de Claude Nobs explique que l’héritage LGBTIQ+ du festival n’a pas été mis en avant en raison du climat homophobe de l’époque. Il rappelle les circonstances dramatiques du coming out forcé de Claude Nobs suivant la médiatisation de sa relation avec un jeune homme de 19 ans. Ce dernier avait probablement été engagé expressément pour lui causer du tort. À l’époque des faits, Claude Nobs ne cachait pas son homosexualité, mais restait discret. Malheureusement, l’âge du consentement n’était pas le même en Suisse pour les personnes hétérosexuelles (18 ans) et homosexuelles (21 ans). Claude Nobs est arrêté, emprisonné et on lui donne même une lame de rasoir à emporter dans sa cellule. Une pétition demandant sa remise en liberté circule. Ces faits sont relatés dans la deuxième partie du documentaire They all came to Montreux.

Thierry Amsallem revient aussi sur la soirée où Freddy Mercury et David Bowie, tous deux bisexuels, partagent un repas concocté par Claude Nobs qui adorait cuisiner pour les artistes et les recevoir dans son chalet : hop le courant passe et après le repas les deux disparaissent dans le studio et enregistrent Under Pressure en quelques heures.

Place des femmes : Nina Simone au Montreux Jazz Festival

Quelle est la place des femmes dans le festival ? Alain Dufaux le directeur du le directeur du CHC nous indique avoir été très surpris par la faible place des femmes dans le festival. Comment pouvons-nous documenter cela ?

Nina Simone en 1969. Source Commons, CC BY SA de Gerrit de Bruin

De retour dans la salle de l’éditathon Alain Dufaux nous met à disposition un mémoire de master de l’EPFL sur la question de la place des femmes. Le principal souci rencontré pour rendre compte de cette place est que la base de données des concerts de l’EPFL ne mentionne pas le genre des artistes. Difficile donc de quantifier le nombre d’interprètes féminines, même sur une requête wikidata permet d’avoir une idée : près de 800 artistes femmes sur 17 000 soit moins de 5%. On a commencé pendant l’éditathon avec un groupe de contributrices germanophones motivées à renseigner dans les éléments dédiés aux concerts les femmes qui y ont participé par exemple on peut voir que Flora Purim a joué dans l’édition de 1974. L’élément Nina Simone contient maintenant les 4 concerts de Montreux où elle a joué ! On a commencé aussi

Sur Wikipédia j’ai créé une catégorie Montreux Jazz Festival où on peut retrouver certaines des artistes (travail non terminé).

Discutant avec Ivonne Gonzalez, fondatrice du collectif Noircir Wikipédia, nous abordons la place des artistes afro descendant·e·s dans le festival. Si Claude Nobs a fait fortune avec ce festival, a-t-il pour autant fait ce que l’on appelle de l’appropriation culturelle ? Les artistes ont souligné à travers le temps combien ils se sont sentis bien accueillis à Montreux, loin des tensions raciales aux États-Unis. Il n’en reste pas moins que l’on regrette un peu que les 40 ans d’archives du festival ne soient accessibles au public qu’au Montreux Jazz Festival Café de l’EPFL à Lausanne, car elles représentent des archives historiques du jazz qui méritent leur place dans les biens communs. Espérons que dans le futur certains de ces trésors puissent être publiées sous licence libre et accessible à tout le monde en ligne.

Le festival a de toute évidence lancé et relancé des carrières d’artistes afro descendant·e·s et fait connaitre leur virtuosité. Un exemple notoire est celui de Nina Simone, car l’invitation de Claude Nobs à un moment ou ruinée après les revers qu’elle a subis aux États-Unis quand elle a commencé à s’engager pour le mouvement des droits civiques relance sa carrière et lui permet de rebondir.

Nina Simone chante à Montreux en 1968 pour la deuxième édition du festival. Elle est la seule interprète féminine du festival cette année làn (avec Julie Driscoll qui joue avec Brian Auger). Elle arrive des États-Unis dans un contexte particulier : en plein mouvement pour les droits civiques, dans lequel elle est engagée corps et âme, Luther King et Robert Kennedy viennent d’être assassinés aux États-Unis. Elle rend hommage dans une de ses chansons au poète afro américain gay Hughes Lanston. Son frère Sam Waymon avec elle sur scène se souvient « Le roi de l’amour (Luther King) et Bob Kennedy venaient de mourir. On ne savait pas à quoi le monde allait ressembler après. À ce moment-là, pour moi et pour Nina, être sur scène, c’était avant tout être libres. On s’y sentait en sécurité, et on vivait le moment présent plus que nul part ailleurs. »

Le concert de Nina Simone de 1976 est un concert mémorable du festival : Nina Simone arrive sur scène, sans mot dire, digne, le regard sombre. Elle fait un salut au public, courbée et reste un long moment immobile. La tension et l’émotion sont palpable, surtout lorsqu’elle se met au piano et rappelle alors au public, qu’elle avait dit ne plus vouloir jouer dans un festival de jazz, et que sa décision n’a pas changé. Toutefois, dit-elle « Nous allons passer un moment ensemble et je vais jouer pour vous » . Elle termine sa performance en dansant sur un rythme de percussions africaines, une performance inouïe. Elle parle aussi beaucoup, du Liberia où elle vient de passer deux ans. Elle interrompt une de ses chansons pour ordonner à une spectatrice qui tente de partir de s’asseoir : Nina Simone veut être respectée, veut que sa performance soit respectée comme un concert classique. Après sa performance, qui reste aujourd’hui encore parmi les jalons mémorables du festival, une partie de la presse lémanique l’encense, mais des critiques adoptent des formulations racistes, certains lui reprochent d’avoir tenu des propos incohérents et trop parlé durant le concert. C’est pourtant aujourd’hui ces moments de parole que l’on retient comme partie intégrante de sa performance poignante où elle s’est livrée, entière en prenant des risques. Cette performance relance sa carrière.

Coté Wikipédien, Nina Simone a un article labellisé en anglais, et son article en français mériterait un toilettage de Noël en vue d’une future labellisation.

Sade Adu par djrue. Source Commons CC-BY-SA 2.0 Generics

Autre artiste lancée par le festival : Sade en 1984, est pratiquement inconnue lorsqu’elle monte sur scène et entonne Smooth Operator. La performance la propulse au sommet des charts l’année suivante. Ces vidéos sont accessibles au Montreux Jazz festival café à Lausanne : cela vaut le détour ! Et bien sûr j’ai mis Sade Adu dans l’élément wikidata du festival édition 1984.

Merci à toute l’équipe du GLAM on Tour !

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4 réflexions au sujet de “GLAM on Tour Montreux : magie du Jazz”

  1. C’était avec beaucoup de plaisir que j’ai participé à cet évènement . Un très bon moment de partage d’expériences et de solidification de lien non seulement avec Wikimédia suisse mais avec aussi avec Natacha des Sans pagEs .

  2. la photo de Nina Simone est de Gerrit de Bruin simplement téléchargée à partir d’un dossier de presse de Jarekt. c’est un problème de crédit de métadonnées wikicommons. à votre santé

  3. Vielen Dank für diesen recht umfangreichen und tiefgründigen Beitrag. Er zeigt, wie wertvoll die Arbeit sein kann, derartige Veranstaltungen zu planen und durchzuführen, auch wenn auf dem Weg viele Steine liegen. Leider wird er in französischer Sprache dem deutschsprachigen Auditorium weitgehend verborgen bleiben.

Répondre à Lantus (wmch)Annuler la réponse.